Le jour où la Folie parle, scène imaginée par Erasmus et mise en musique. Ici la Folie présente un discours où d’autres textes viennent dialoguer avec celui d’Erasmus : aux extraits des écrits de Franz Kafka et d’Albert Camus se mêlent des textes de Heiner Müller et Rabelais, offrant ainsi une analyse à multiples voix de l’homme face à la réalité. Personnage sans hypocrisie, la Folie simplement nous décrit la réalité qui l’encercle.
La mise en scène s’inspire d’une utopie du chœur grec ancien : un ensemble de voix créant un seul personnage, ici méta-instrument-vocal composé de onze musiciens, chanteur et instrumentistes mêlés. Disposés derrière un rideau tout autour du public, l’orateur devient une ombre. Ombre d’un géant composé de voix parlée, voix chantée, instruments, objets quotidiens, ou encore de l’électronique.
Le spectateur est au cœur de cet être vivant. Entouré par ce géant musical, Cerbère ou Hydre chantante, il est pris en otage par cette machinerie sonore, dans un discours polyphonique qui finira peut-être par devenir le sien.
LA RELATION MUSIQUE/SCÈNE :
il s’agit d’une œuvre de théâtre musical ; des éléments scéniques sont ainsi exploités : disposition des instrumentistes autour du public, utilisation du déplacement de musiciens, utilisation d’objets quotidiens, écriture musicale jouant avec la perception de la position du son dans l’espace.
tout converge alors vers une stimulation simultanée de l’ouïe et de la vue.
la disposition et l’éclairage des instrumentistes et instruments donnent à la scène une atmosphère d’installation. les ombres des acteurs mises en valeurs par l’éclairage suggèrent un ballet ; une chorégraphie de gestes instrumentaux surgit derrière le rideau.
l’écriture musicale s’appuie sur des techniques sonores et visuelles telles que les polyphonies intercalées ou complémentaires (hoquetus), l’imitation, la spatialisation de l’électronique (ou d’instruments conçus pour ce rapport comme le Spat’sonore). l’ensemble enrobe ce rapport entre espace et son ; vue et ouïe se confondent et se complètent.
Peu à peu, quelques instrumentistes viennent s’installer au centre du publique, l’espace de la scène s’élargit. l’espace visuel du public se confond avec l’espace scénique. Musique, espace, public et musiciens, l’ensemble construit un seul corps perceptif.
LA RELATION MUSIQUE/TEXTE :
Comment parle la musique ?
l’ensemble des textes utilisés dans le spectacle est écrit à la première personne. Dès lors, il s’agit bien d’un personnage qui chante et qui nous parle. C’est un hors norme, un paria, un fol, ou simplement un bufo, qui nous dit de façon crue ce qui nous habite déjà. la “folie”, telle que présentée par erasme, est la plus raisonnée d’entre nous. très loin d’être à l’image d’un fou, elle surgit comme l’arbitre d’un débat entre liberté individuelle et société.
la musique part à la rencontre de ce questionnement. Ponctuée par l’humour et la violence de cet irresponsable fol, elle porte le contenu sémantique des textes utilisés, en même temps qu’elle habille un discours polyphonique et polymorphe, un discours qui veut tout dire en un seul instant.
la disposition sonore de l’ensemble instrumental encerclant le spectateur ajoute un doute : qui parle vraiment ? D’où vient cette voix ? et voici que la folie se présente. elle entre en scène dans un cortège sonore, pour se placer au centre et chanter, enfin, face à nous.
Dans un univers sonore structuré et saturé d’un grand débit d’informations, d’une superposition de textes, de l’utilisation de l’hoquetus, et des changements d’humeur abrupts, la perception se trouve obligée de faire des choix. finalement, il revient à chacun de construire le discours la folie qui lui semblera le plus logique.
LES TEXTES UTILISÉS :
L’Éloge de la Folie, Erasmus de Rotterdam, Cahiers [extraits]
Écrits, Albert Camus [extraits]
Franz Kafka
Paysage avec Argonautes, Heiner Müller
Gargantua, Rabelais